Quels ont été les événements centraux de l'année écoulée? Et comment les comprendre?

Minsk 2

Bien évidemment, les accords de Minsk de février 2015 sont un grand succès politique de la Russie. Nous avons réussi à faire cesser les bombardements intensifs et complètement inhumains de l'Ukraine contre les quartiers résidentiels des républiques non reconnues par le pouvoir central. Nous avons privé les autorités ukrainiennes de leur principal et unique levier de véritable pression sur la population et, par conséquent, sur les autorités des républiques. Une guerre réelle et chaude a cédé la place à la trêve — incomplète, certes, qui ressemble parfois à une guerre froide ou chaude par endroits.

Il est évident que Kiev est incapable de remplir ses engagements de Minsk 2. Par manque de volonté, aussi. Nous en avons déjà expliqué les raisons. Il faut donc continuer à imposer aux autorités ukrainiennes la mise en œuvre des accords par tous les moyens disponibles. C'est le processus principal.

De plus, Minsk 2 a permis de faire passer la situation en régime de "compétition pacifique" entre les républiques autoproclamées de Donestk et Lougansk (DNR et LNR), d'une part, et Kiev de l'autre. Et que constatons-nous? Les républiques connaissent de nombreux problèmes et difficultés, y compris spécialement causés par Kiev, mais nous observons surtout une tendance positive aussi bien dans le domaine du développement et du renforcement de la structure étatique type républicaine que dans le domaine socioéconomique. Dans l'ensemble, la tendance est positive.

Côté ukrainien, c'est tout le contraire. La dégradation de l'État et de la situation socioéconomique continue. Dans les conditions de maintien de la paix — ou au moins de "semi-paix" — le Donbass et la Russie sont clairement gagnants. Il est probablement nécessaire de renforcer les républiques et de les soutenir, d'empêcher l'Ukraine de relancer une guerre chaude. Tout le reste, les autorités ukrainiennes le font à notre place.

Je voudrais particulièrement m'opposer à ceux, en Russie, qui pensent qu'en février 2015 il ne fallait pas faire la paix mais prendre d'assaut Marioupol et d'autres villes de la région de Donetsk contrôlées par Kiev, jusqu'à Kiev et à Lvov.

Je ne suis pas un spécialiste et ne dispose d'aucune information sur les capacités des armées des républiques autoproclamées du point de vue militaire. Mais même en admettant que ce soit possible, à quoi ressemblerait l'assaut des DNR et LNR contre les villes à libérer? Et comment réagir si ces forces anéantissaient Marioupol ou Krasnoarmeisk avec des bombardements tuant en grande nombre les habitants de ces villes? Prendre la responsabilité de la mort de milliers de victimes innocentes? Mais quelle serait alors la différence entre eux et les nazis de Kiev? Le plan d'une "offensive résolue des républiques" soulève encore beaucoup d'autres questions.

Presque un an a passé depuis la signature de Minsk 2 et je reste convaincu que cette victoire politique est la clé de la victoire définitive. Kiev, pourtant, va continuer de saboter la mise en œuvre des accords, y compris par des moyens militaires, précisément parce qu'on comprend leur véritable sens et signification.

La Syrie

L'opération russe en Syrie a plusieurs objectifs et se déroule sur plusieurs plans.

Premièrement, c'est effectivement une véritable lutte contre le terrorisme en terrain éloigné — pas comme la coalition des USA, inefficace. En détruisant l'organisation terroriste Daech, en éliminant les forces principales des terroristes, en les privant de sources de revenus, la Russie réduit considérablement la probabilité d'attentats sur son territoire.

Deuxièmement, nous avons montré l'impossibilité de renverser le gouvernement légitime de la Syrie par la force, ce qui a significativement compliqué la transformation de ce pays en nouvelle zone de chaos sans structure étatique, où les pays intéressés auraient pu s'emparer de territoires, de ressources pétrolières, etc.

Troisièmement, la Syrie et le Moyen-Orient sont l'avant-poste d'un grand jeu géopolitique. La Russie a déclaré qu'elle ne reconnaissait pas le projet d'ordre mondial dirigé par l'hégémonie américaine. Nous avons une alternative stratégique. La perspective d'un monde multipolaire n'est pas une illusion. Nous sommes prêts à nous battre pour lui et surtout y défendre notre place.

Nous avons enfin compris que, dans la répartition mondiale du travail et au sein de l'ordre mondial, il n'existe que deux catégories: la place qu'on t'indiquera et la place que tu peux gagner et défendre toi-même. Et qu'il existe entre elles une différence fondamentale. Dans cette prise de conscience, il y a à la fois une différence fondamentale entre la politique étrangère des années 1990 et la politique étrangère actuelle.

Une guerre non déclarée

Dans les années 1980, nous voulions vraiment que la Guerre froide s'arrête au profit d'un monde aux "valeurs humaines universelles". Cet espoir était la base idéologique de la perestroïka et de la "nouvelle réflexion".

Au début des années 1990, nous pensions que la Guerre froide était terminée. Terminée par la paix, au regard de l'impossibilité de victoire d'une des parties sur l'autre. De surcroît, c'était une paix sans annexion ou contribution.

Cependant, on nous a rapidement expliqué que nous étions les perdants et que le "vainqueur" pouvait faire de nous tout ce qu'il voulait. On nous a imposé des annexions et des contributions. Et puisque nous ne nous sommes ni rendus, ni soumis et que nous n'avons pas accepté d'être considérés comme perdants, la guerre a finalement continué. A la Guerre froide a succédé une guerre non déclarée, plus complexe et plus intransigeante.

2015 fut une année difficile. Une année de nombreuses tragédies. Tous ceux qui sont morts sur les fronts de cette guerre non déclarée sont nos héros. Et les séparatistes, les civils du Donbass, les passagers de l'avion de ligne russe explosé dans le ciel égyptien, et notre pilote et notre fantassin de marine en Syrie. Ils sont tous nos héros et victimes de la guerre non déclarée menée contre notre Patrie. Nous nous en souviendrons toujours et seront dignes de leur mémoire.

Comme nous avons été dignes de la mémoire des guerriers du "Régiment immortel" pendant le 70e anniversaire de notre grande victoire dans la Grande Guerre patriotique. Comme chantait Vladimir Vissotski, "nos morts ne nous laisseront pas tomber, nos morts sont comme des hommes de garde". Je pense que nous l'avons pleinement ressenti en tant que peuple, en tant que nation politique renouvelée précisément le 9 mai 2015 pendant la marche du Régiment immortel.

Je trouve que cette année, nous nous sommes débarrassés de nombreuses illusions et fausses finalités. Nous avons fermement formulé et défendons notre souveraineté politique. Nous n'avons pas laissé des forces extérieures mettre l'économie russe en lambeaux et avons empêché la déstabilisation du pays, sur laquelle comptaient cette année nos adversaires.

Mais nous avons cruellement besoin de réaliser notre souveraineté économique, de programmes et de projets de croissance économique et de développement social. Nous avons conscience du fait que la politique et l'économie du pays font partie des principaux fronts de la nouvelle guerre.

Nous avons toutes les chances de gagner cette guerre non déclarée, l'important étant de ne pas commettre d'erreurs. Pour l'instant nous y parvenons.