Après l'attaque turque contre le bombardier Su-24 russe dans le ciel syrien en novembre 2015, la Russie a interdit les vols entre les deux pays, suspendu le travail de la commission intergouvernementale russo-turque pour la coopération commerciale et économique et interdit à ses entreprises d'employer des citoyens turcs. On a également suggéré aux agences touristiques de renoncer à la vente de tours dans ce pays agité. Le régime sans visa avec la Turquie a été levé le 1er janvier 2016 et des interdictions ont été introduites sur l'importation de produits agricoles, de matières premières et de produits alimentaires turcs.

Ces démarches de Moscou ont provoqué une réaction nerveuse d'Ankara. Le président turc Recep Tayyip Erdogan, au lieu de présenter ses excuses à la Russie, a proféré des déclarations belliqueuses. "La position d'Erdogan pour qu'on oublie cet incident paraît absolument inappropriée ", a remarqué à juste titre Alexeï Pouchkov, président de la commission des Affaires étrangères de la Douma (chambre basse du parlement russe).

Dans ce contexte, la Russie doit non seulement utiliser au maximum tous les canaux de communication disponibles pour faire connaître sa position au grand public dans d'autres pays, mais également renforcer le travail militaire et patriotique parmi les citoyens russes. Avant tout parmi les jeunes. Même si, heureusement, la situation n'a pas dégénéré en conflit armé entre la Russie et la Turquie, les jeunes doivent savoir que les Turcs ont toujours organisé des provocations et tenu des propos retentissants au début des guerres qui les ont opposés à la Russie (plus d'une dizaine) avant de les perdre.

Pour que les jeunes puissent s'inspirer de l'histoire, il faut en faire la promotion. Il est déplorable que récemment, deux anniversaires de grandes victoires russes sur la Turquie sont passés presque inaperçus.

L'anniversaire de la prise d'Izmail

Le 22 décembre marquait le 225e anniversaire de la prise de la forteresse turque d'Izmail par les troupes russes sous le commandement d'Alexandre Souvorov.

La citadelle, située sur la rive gauche du Danube, avait été reconstruite et renforcée sous la direction d'ingénieurs allemands et français à la veille de la guerre russo-turque de 1787-1791. Sur trois côtés, Izmail a été ceinturée par des remparts de 6 km avec des bastions en terre battue et en pierre. La hauteur des remparts atteignait 8 mètres et ils donnaient sur une tranchée de 12 mètres de large et de 10 mètres de profondeur. Le côté sud était bloqué par le Danube. La défense d'Izmail était assurée par une garnison armée de 35 000 hommes disposant de 265 pièces lourdes. Les Turcs considéraient cette forteresse comme imprenable.

Le général Alexandre Souvorov n'était pas de cet avis. En préparant les troupes russes pour l'assaut, il a ordonné de creuser près du camp une tranchée et d'installer des remparts similaires à Izmail. Chaque nuit, les soldats travaillaient les manœuvres nécessaires pour l'assaut: le franchissement de la tranchée, puis des remparts, et frappaient des mannequins avec leurs lances.

Le 7 (18) décembre Souvorov a envoyé au commandant de la forteresse son ultimatum: "24 heures pour vous rendre et rester libres; mes premiers tirs et c'est la prison; l'assaut — et c'est la mort". Dans la tradition turque des déclarations retentissantes, Mehmet Pacha a répondu: "Le ciel tombera sur la Terre et le Danube inversera son courant avant qu'Izmail tombe."

Le 11 (22) décembre Souvorov, qui taillait en pièces les troupes turques à chaque affrontement, a déclaré à ses troupes: "Braves guerriers! Souvenez-vous de toutes vos victoires et prouvez que rien ne peut s'opposer à la force des armes russes…"

Les braves guerriers russes n'ont pas fait faux bond au général. Le soir même, dans son rapport au prince Grigori Potemkine, Souvorov écrivait:

"Le violent combat qui a perduré à l'intérieur de la forteresse, avec l'aide de Dieu, s'est terminé six heures et demie plus tard par la victoire russe. Le courage des chefs, le zèle et l'adresse des officiers et la témérité inégalée des soldats ont eu le dessus sur les nombreux ennemis qui se défendaient désespérément. A midi la victoire était à nous…"

C'est ainsi que la victoire a été remportée. La forteresse d'Izmail, si renforcée, tellement vaste et qui semblait invincible a été prise par les terrifiantes lances russes. L'ennemi, qui comptait sur ses importants effectifs, a été battu malgré son obstination et son estime de soi".

Par l'assaut d'Izmail, Souvorov a écrit une nouvelle page du développement de l'art de la guerre: cette forteresse bien renforcée, qui semblait imprenable n'a pas été prise après un long siège mais grâce à une attaque massive de neuf colonnes à partir de plusieurs directions et en utilisant la flottille fluviale. L'ennemi a perdu 26 000 hommes et 9 000 ont été faits prisonniers. Seul un Turc a réussi à s'enfuir en traversant le Danube sur un tronc d'arbre.

Le 100e anniversaire de la bataille d'Erzurum

Il y a 100 ans, le 28 décembre 1915 (10 janvier 1916), commençait l'opération Erzurum de l'armée impériale russe, dont l'issue a eu une grande signification non seulement sur le plan militaire mais aussi d'un point de vue moral et psychologique.

L'année 1915 avait été très difficile aussi bien pour la Russie que pour ses alliés de la Triple-Entente. Les troupes allemandes du général August von Mackensen, après une puissante offensive contre les positions du front Sud-Ouest dans la région de Gorlice, les avaient forcés à quitter la Galicie. Le 22 mai (3 juin) 1915, Peremychl était abandonnée. Le 9 (22) juin, c'était au tour de Lvov. Les conquêtes des premiers mois de la guerre étaient perdues, au prix de 500 000 hommes tués, blessés et prisonniers.

Pendant ce temps, les Anglais et les Français cherchaient à prendre le contrôle des détroits en lançant une offensive du côté des Dardanelles. Cette opération avait également un aspect géopolitique: "Les Alliés voulaient initialement éviter que l'avenir de Constantinople et des détroits soit trop clair, ce qui a beaucoup inquiété le ministère russe des Affaires étrangères. On avait l'impression que personne à Paris ou à Londres ne voulait être le premier à dire non à l'allié russe", écrit l'historien Oleg Aïrapetov.

Contrairement aux calculs des Anglais et des Français, les forces turques commandées par le général allemand Liman von Sanders ont paré toutes les attaques. Et bien que 250 000 soldats turcs ont été tués, morts ou blessés, les pertes des Alliés étaient plus importantes. La bataille des Dardanelles a coûté à la Grande-Bretagne 211 000 hommes et 60 000 à la France. Surtout, les Turcs ont réussi à tenir en remportant une importante victoire. En décembre 1915 débutait l'évacuation des forces franco-britanniques de Gallipoli. Le succès de l'armée turque avait ravivé son moral.

Étant donné qu'une partie des troupes turques pouvait être projetée contre les forces russes, le chef de l'Armée du Caucase, le général d'infanterie Nikolaï Ioudenitch, a suggéré de passer à l'offensive au plus vite. L'opération avait pour objectif de prendre Erzurum — la principale base turque pour agir contre la Transcaucasie russe. Entourée par un profond fossé, la forteresse était bien protégée — chaque fort était une tour de pierre de plusieurs étages avec des embrasures pour les pièces lourdes et les mitrailleuses.

Comme l'indique l'historien militaire Nikolaï Chefov, "l'opération a tourné en combat pour les cols de montagne enneigés et en un contournement des positions turques par les crêtes de montagne, par un froid de 30 degrés en-dessous de zéro et en pleine tempête de neige. Tout le fardeau de l'offensive a été endossé par l'infanterie car la cavalerie ne pouvait pas franchir les falaises enneigées. Les soldats montaient, leurs armements gelés sur les bras, et dormaient dans des tranchées creusées dans la neige."

6 000 personnes sont mortes congelées pendant l'opération, même si le commandement avait pris des mesures préalables pour fournir aux troupes des vêtements chauds. Le colonel Evgueni Maslovski, commandant du quartier-maître général de l'Armée du Caucase, écrivait alors:

"Chaque combattant avait reçu: des molletières chaudes et des bottes de feutre pour les porter la nuit en enlevant les bottes de cuir; une courte pelisse jusqu'au genou pour ne pas encombrer les mouvements; un pantalon large piqué en coton, un bonnet de mouton avec un couvre-nuque; des moufles chaudes et un manteau, roulé lors des déplacements. Une attention particulière était accordée à l'approvisionnement des troupes. En cas de camouflage nécessaire, il était ordonné de fournir des blouses en similicuir blanc et des housses blanches pour les bonnets dans toutes les unités, pour tous les combattants.

Afin de protéger les yeux des soldats par temps ensoleillé, les troupes du 1er Corps d'armée du Caucase ont reçu des lunettes de protection. Étant donné que la zone de l'offensive de ce corps ne comprenait pas de forêt et que l'approvisionnement en bois était pratiquement impossible, tous les combattants d'infanterie et de cavalerie devaient, au cours de l'offensive, porter deux bûches pour le chauffage lors des bivouacs. De plus, les régiments devaient avoir des planches épaisses ou des perches pour organiser la traversée des fleuves, afin que les soldats n'aient pas les pieds mouillés et n'attrapent pas d'engelures par la suite. Pour traiter ces dernières, les troupes disposaient de réserves de "lard non salé".

Pendant un mois exactement, les troupes russes se sont frayé un chemin jusqu'à Erzurum et se préparaient à l'assaut décisif de la forteresse. Il a commencé le 29 janvier (11 février) par une brève préparation d'artillerie. Les affrontements sanglants ont duré jusqu'au 3 (16) février, date à laquelle la forteresse a été prise.
La liste des trophées a été annoncée par Oleg Aïrapetov: "Sur la ligne défensive principale des forts, 197 pièces de différents calibres en état de marche ont été saisies, et encore 126 pièces dans la ceinture centrale de la forteresse. 235 officiers et 12 753 soldats ont été faits prisonniers. Pendant la poursuite, 79 pièces d'armement supplémentaires ont été capturées. Le nombre de trophées russes permet de juger de la démoralisation de l'armée turque. 6 pièces ennemies ont été prises le premier jour de l'assaut, 7 le deuxième jour, 29 le troisième jour, 70 le quatrième jour et 200 le cinquième jour. Dans les forts et en ville, l'ennemi a abandonné une grande quantité de munitions, de poudre, de nourriture et de bétail."

L'offensive a duré jusqu'à fin mars. L'ennemi a dû reculer à plus de 100 km d'Erzurum. Selon le témoignage de von Sanders, cette défaite a été un "choc pour le commandement turc", qui a caché cette information à la population du pays pendant plusieurs mois.

Le succès des troupes russes sur le front turc a provoqué un mouvement de panique, et pas seulement parmi les ennemis de la Russie. Les alliés étaient également inquiets et ne se réjouissaient pas du tout de la perspective d'un renforcement excessif de la Russie en Asie mineure et dans la région des détroits.
Tout comme les succès actuels de la Russie en Syrie dans la lutte contre l'organisation terroriste Daech, interdite en Russie, n'ont réjoui ni Erdogan, ni les Britanniques ou les Américains.